jeudi 3 février 2011

Vu récemment - 5

The Social Network
de David Fincher
(2010)

Synopsis : 2003, Harvard. Mark Zuckerberg, génie de la programmation informatique est étudiant de premier cycle. Après avoir rompu avec sa petite amie, il travaille sur la création d'un site de notation des filles de l'université. Repéré par trois étudiants de second cycle, ils lui demandent de plancher sur un site de réseau social.


Le film est l'adaptation du roman de Ben Mezrich qui décrit la création du site Facebook. Avant la sortie de The Social Network, David Fincher vient de réaliser L'étrange histoire de Benjamin Button. Il est également réalisateur de Alien 3, Seven, The Game, Fight Club, Panic Room, Zodiac. Le film a reçu 4 récompenses lors de la dernière cérémonie des Golden Globes dont meilleur film dramatique, meilleur scénario et meilleur réalisateur. On retrouve à la production exécutive du film l’acteur Kevin Spacey.

Comme cela a souvent été dit lors de sa sortie, le film n'est pas la description de l'histoire du dernier site à la mode, c'est en réalité une véritable tragédie. Amitié, trahison, vengeance, honneur bafoué sont les éléments principaux de ce film. Les deux auditions auquel Mark Zuckerberg est assigné pour vol de propriété intellectuelle servent de fil rouge à l’histoire. Ces scènes d’audition sont entrecoupées par des flashbacks décrivant les circonstances qui ont mené Zuckerberg à devenir le plus jeune milliardaire du monde. Cette construction nous mets en situation d'attendre la chute du personnage principal. Ceci est d’ailleurs le paradoxe du film, le site est une fabuleuse réussite mais Zuckerberg est un homme seul qui a trahi ses pairs et qui s’est compromis. C’est une belle illustration des propos de Balzac, selon lesquels : « Toute fortune est basée sur une malhonnêteté ».

La rupture de Zuckerberg avec sa petite amie est présentée comme la blessure originelle, le catalyseur de toutes les actions qu’il entreprendra ensuite. Comme nous l’avons dit, il est décrit durant les scènes d'audition comme un homme seul et honni de tous. La secrétaire du procureur lui dit à la fin du film : "M.Zuckerberg vous n'êtes pas un salaud mais vous faites tout pour le devenir". Cet aspect apparait d’ailleurs comme étant le point faible du film : aucun des personnages n'est réellement sympathique. Il en découle un certain malaise devant les combats de ces jeunes gens. Certains comme Zuckerberg et Parker sont des pantins qui ont une revanche à prendre sur la vie, d’autres comme les jumeaux Winklevoss sont des aristocrates qui sont coincés par le poids des conventions sociales hérité de leur éducation.

L'interprétation est admirable. On retrouve avec plaisir Jesse Eisenberg (vu dans le savoureux "Bienvenue à Zombieland") qui campe un Zuckerberg proche de la schizophrénie. Andrew Garfield incarne un Eduardo Savrin qui est le seul personnage intègre, naïf et paraissant dépassé par les événements. Justin Timberlake est l’interprète étonnant de Sean Parker (créateur de Napster) et fait de son personnage un revanchard hostile à l’ordre établi, une sorte de salaud calculateur assumé.

Fincher utilise la musique de façon grandiose à l’instar de ce que pouvait faire Stanley Kubrick. La musique n’est pas ici un simple ornement mais accompagne l’action, la souligne. A cet égard, la meilleure scène du film, d’un point de vue strictement cinématographique (cadre, montage, composition) est celle de la course d'aviron sur la musique d’Edvard Grieg extraite de Peer Gynt "Dans l'antre du roi de la montagne". Tout comme Kurick a pu le faire dans Orange Mécanique, la musique de Grieg est ici désincarné, mécanique, comme pouvait l'être la 9eme symphonie de Beethoven retravaillé par Walter Carlos dans Clockwork Orange. La course est un grand moment où l’action traduit les conflits intérieurs des personnages. Les jumeaux Winklevoss perdent la course comme ils ont perdu la paternité du site.

La fin de The Social Network montre le personnage de Mark Zuckerberg coupé de ses amis devant son ordinateur envoyant une demande à son ex-petite amie, celle par qui tous s’est enclenché. Les cartons expliquant la trajectoire des différents personnages sont d’une grande ironie. Derrière ces faits froids et bruts est soulignée la profonde ironie de la situation. Tous les personnages ont perdu quelque chose que l’argent ne saura combler. Le film nous pose finalement la question : « Enviez-vous ces personnages ? »

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