lundi 28 février 2011

Vu récemment - 6

The Reader (2010)
de Stephen Daldry


Synopsis :
Berlin, 1958. Un adolescent de quinze ans, Mickael Berg a une liaison avec une femme de trente cinq ans, Hannah Shmitz. Après quelques mois, elle disparait. Huit ans plus tard, Mickael poursuit des études de droit. En assistant au procès d’anciennes gardiennes de camp de la mort, Mickael reconnait Hannah sur le banc des accusés.



The Reader est l’adaptation du livre partiellement autobiographique de Bernhard Schlink : Le liseur. Le film sort sur les écrans américains en Déc.08 et en Juil.09 en France. Pour ce rôle, Kate Winslet recevra l’Oscar de la meilleure actrice. Le film est produit par Anthony Minghella et Sydney Pollack qui décéderont tous les deux durant la réalisation du film.

Le film adopte la structure du flashback. Il est construit en trois parties de durée sensiblement équivalente. La première partie expose, la rencontre de Mickael et Hannah et leur relation. Dans la seconde partie, est montrée la vie de Mickael adolescent étudiant en droit et le procès d’Hannah. Dans la dernière partie, nous voyons la relation qu’entretiennent Mickael devenu avocat et Hannah en prison.

Le rituel de lecture que Mickael fait à Hannah avant l’amour est d’abord montré dans la relation comme un acte d’épanouissement spirituel avant l’acte charnel. Lors du procès, ce rituel prend un tout autre sens. Car c’est au même rituel que Hannah s’adonnait avec des prisonniers des camps condamnés à la mort. Mickael a participé à son corps défendant à la transposition de cette cérémonie macabre. L’exposition que Daldry fait de cette révélation est d’une grande sobriété qui rend ce renversement d’interprétation vertigineux pour le spectateur. Dans cette première partie du film, nous avons cru assister à un rapprochement entre les deux êtres. Or, ceci montre le peu de remords et de culpabilité que ressent Hannah et ne participe qu’à cacher le secret d’Hannah.

Ce secret (Hannah ne sait ni lire, ni écrire) semble bien dérisoire au regard des actes qu’elle a pu commettre pendant la guerre. La réalisation sobre jusqu’alors paraît même excessive au moment de la révélation. Un effet de ralenti et des violons qui grincent sensés nous glacer le sang. Ceci ne cadre vraiment pas avec le ton du film. En somme, l’effet est bien trop hollywoodien pour apparaitre réellement crédible. De même, lorsque Mickael se rends à Auschwitz, la musique induit un suspense alors qu’il traverse les bâtiments. Là encore, l’effet est gratuit et la scène aurait nécessité un tout autre habillage. Une autre scène dérangeante est celle où Mickael est prêt à aller voir Hannah à la fin de son procès. De la neige tombe sur la cour de la prison rappelant la neige tombant sur Berlin au moment de la rencontre de Hannah et Mickael. Celui-ci est propulsé devant son innocence perdue. Il y aurait eu des moyens bien plus légers de nous le faire comprendre.

Le film interroge la conscience allemande d’après-guerre. Comment la jeunesse allemande d’après guerre assume l’héritage des atrocités nazies. Comment vivre avec le poids de la culpabilité ? Le personnage de Kate Winslet est lancé dans les événements de l’histoire avec une immense naïveté et semble même ne pas réaliser la gravité des ses actes. Le président du tribunal l’interroge sur son engagement dans les jeunesses Hitlériennes, elle demande : « Qu’auriez vous fait à ma place ? ». Le film dans ces scènes de procès pose la question de la banalité du mal. Beaucoup de criminels de guerre n’étaient pas des monstres sociopathes mais des gens ordinaires pris dans le système de l’industrialisation de la mort. Cela les amende t’il ? Certes NON !

Par la suite en ne révélant pas ce secret, Mickael inflige à Hannah une punition personnelle et un châtiment au nom de l’histoire. A la fois, pour sa disparition soudaine mettant fin à leur relation et surtout pour son implication dans les crimes de guerre nazis.

jeudi 3 février 2011

Vu récemment - 5

The Social Network
de David Fincher
(2010)

Synopsis : 2003, Harvard. Mark Zuckerberg, génie de la programmation informatique est étudiant de premier cycle. Après avoir rompu avec sa petite amie, il travaille sur la création d'un site de notation des filles de l'université. Repéré par trois étudiants de second cycle, ils lui demandent de plancher sur un site de réseau social.


Le film est l'adaptation du roman de Ben Mezrich qui décrit la création du site Facebook. Avant la sortie de The Social Network, David Fincher vient de réaliser L'étrange histoire de Benjamin Button. Il est également réalisateur de Alien 3, Seven, The Game, Fight Club, Panic Room, Zodiac. Le film a reçu 4 récompenses lors de la dernière cérémonie des Golden Globes dont meilleur film dramatique, meilleur scénario et meilleur réalisateur. On retrouve à la production exécutive du film l’acteur Kevin Spacey.

Comme cela a souvent été dit lors de sa sortie, le film n'est pas la description de l'histoire du dernier site à la mode, c'est en réalité une véritable tragédie. Amitié, trahison, vengeance, honneur bafoué sont les éléments principaux de ce film. Les deux auditions auquel Mark Zuckerberg est assigné pour vol de propriété intellectuelle servent de fil rouge à l’histoire. Ces scènes d’audition sont entrecoupées par des flashbacks décrivant les circonstances qui ont mené Zuckerberg à devenir le plus jeune milliardaire du monde. Cette construction nous mets en situation d'attendre la chute du personnage principal. Ceci est d’ailleurs le paradoxe du film, le site est une fabuleuse réussite mais Zuckerberg est un homme seul qui a trahi ses pairs et qui s’est compromis. C’est une belle illustration des propos de Balzac, selon lesquels : « Toute fortune est basée sur une malhonnêteté ».

La rupture de Zuckerberg avec sa petite amie est présentée comme la blessure originelle, le catalyseur de toutes les actions qu’il entreprendra ensuite. Comme nous l’avons dit, il est décrit durant les scènes d'audition comme un homme seul et honni de tous. La secrétaire du procureur lui dit à la fin du film : "M.Zuckerberg vous n'êtes pas un salaud mais vous faites tout pour le devenir". Cet aspect apparait d’ailleurs comme étant le point faible du film : aucun des personnages n'est réellement sympathique. Il en découle un certain malaise devant les combats de ces jeunes gens. Certains comme Zuckerberg et Parker sont des pantins qui ont une revanche à prendre sur la vie, d’autres comme les jumeaux Winklevoss sont des aristocrates qui sont coincés par le poids des conventions sociales hérité de leur éducation.

L'interprétation est admirable. On retrouve avec plaisir Jesse Eisenberg (vu dans le savoureux "Bienvenue à Zombieland") qui campe un Zuckerberg proche de la schizophrénie. Andrew Garfield incarne un Eduardo Savrin qui est le seul personnage intègre, naïf et paraissant dépassé par les événements. Justin Timberlake est l’interprète étonnant de Sean Parker (créateur de Napster) et fait de son personnage un revanchard hostile à l’ordre établi, une sorte de salaud calculateur assumé.

Fincher utilise la musique de façon grandiose à l’instar de ce que pouvait faire Stanley Kubrick. La musique n’est pas ici un simple ornement mais accompagne l’action, la souligne. A cet égard, la meilleure scène du film, d’un point de vue strictement cinématographique (cadre, montage, composition) est celle de la course d'aviron sur la musique d’Edvard Grieg extraite de Peer Gynt "Dans l'antre du roi de la montagne". Tout comme Kurick a pu le faire dans Orange Mécanique, la musique de Grieg est ici désincarné, mécanique, comme pouvait l'être la 9eme symphonie de Beethoven retravaillé par Walter Carlos dans Clockwork Orange. La course est un grand moment où l’action traduit les conflits intérieurs des personnages. Les jumeaux Winklevoss perdent la course comme ils ont perdu la paternité du site.

La fin de The Social Network montre le personnage de Mark Zuckerberg coupé de ses amis devant son ordinateur envoyant une demande à son ex-petite amie, celle par qui tous s’est enclenché. Les cartons expliquant la trajectoire des différents personnages sont d’une grande ironie. Derrière ces faits froids et bruts est soulignée la profonde ironie de la situation. Tous les personnages ont perdu quelque chose que l’argent ne saura combler. Le film nous pose finalement la question : « Enviez-vous ces personnages ? »